Les logiciels de pilotage et de gestion de mesures 3D
Il est aujourd’hui impossible de configurer et piloter tout moyen de mesure, et d’en traiter les données sans une solution logicielle appropriée. Un bras de mesure ou tout autre équipement peut être fourni avec le logiciel adéquat qui répondra aux exigences de l’application de contrôle. Cependant, la diversité des moyens de mesure mis en œuvre depuis les premières phases de prototypage jusqu’à la fabrication d’une pièce ou d’un assemblage, peut alors nécessiter l’exploitation d’autant de logiciels que de moyens de mesure employés à chacune de ces phases. Pour offrir aux utilisateurs un environnement unifié, faciliter le portage des programmes, assurer le partage des données, et permettre leur traitement dans des formats compatibles avec d’autres logiciels, les plates-formes universelles présentent d’indéniables atouts. Des outils dédiés peuvent toutefois conserver certains avantages pour certaines applications.
Les logiciels de pilotage et de gestion de mesures 3D en 10 questions (Entretien avec Bruno LEFEBVRE, Directeur général de Mitutoyo France.)
Propos recueillis par Youssef BELGNAOUI
YB : 1) Les logiciels de mesure 3D sont indissociables des moyens de mesure. Quelles sont leurs principales fonctionnalités ?
BL : Ce sont sont les seuls outils permettant la construction d’éléments géométriques ou surfaciques pour vérifier la conformité des pièces mesurées au plan de définition. Ils exploitent au mieux toutes les performances matérielles disponibles, sont capables d’exécuter un programme mis au point sur une machine d’un pays à l’autre, quelle que soit la langue d’utilisation du logiciel, sont mis régulièrement à jour pour se conformer aux dernières exigences informatiques (PC et système d’exploitation), aux normalisations en vigueur telles que la cotation ISO, ou aux derniers formats de modèle CAO du marché.
YB : 2) Quelle est leur valeur ajoutée et leurs principaux atouts pour l’industriel ?
BL : Les logiciels de mesure 3D offrent l’assurance d’un traitement de mesure exhaustif avec des performances optimisées et une très grande flexibilité. Pour assurer la performance, Il est toujours préférable que le pilotage d’un matériel soit réalisé par le logiciel proposé par le
fabricant. En effet, sa mise à jour sera garantie sur la plus longue durée possible tout en continuant de supporter le matériel en question. La gestion des cartes interfaces est toujours délicate lors de l’évolution des technologies des systèmes informatiques ou de nouveaux pilotes logiciels (drivers) requis en cas d’évolution du système d’exploitation.
YB : 3) Les solutions logicielles universelles peuvent-elles être employées pour tous types de moyens de mesures ?
BL : Il faut distinguer le pilotage de l’exploitation des données. Pour des produits pilotés par commande numérique, le logiciel du fabricant est très fortement recommandé, voire incontournable. Pour l’exploitation des données, il faut distinguer la prise de points tactile (nombre de points limité) à l’acquisition de nuages de points (plusieurs millions de points) que sont capables de produire par exemple en quelques minutes des Scanners Optiques 3D. À chaque type d’acquisition correspondent différentes applications de mesure. Par exemple, le traitement de nuages de points s’effectue souvent par comparaison à un modèle CAO par le biais d’un logiciel spécifique, ou sert à de la rétroconception pour reconstruire un modèle CAO qui requiert alors un module logiciel très spécifique. Le traitement des points tactiles en petit nombre, sur une MMT ou un bras articulé par exemple, peut être fait par un autre logiciel disposant de fonctions plus conventionnelles de construction géométrique et de comparaison d’entités mesurées par rapport à leur valeur nominale.
YB : 4) Une même suite logicielle peut-elle être employée à différentes étapes du cycle de vie du produit ?
BL : La même suite logicielle peut être utilisée, sous réserve que la technologie de mesure utilisée reste la même comme évoqué précédemment. Cependant, l’exploitation des données de prototypage par les ingénieurs de bureau d’étude est souvent nécessaire, et ceux-ci maîtrisent alors essentiellement un seul logiciel vers lequel il est préférable de transmettre les données mesurées par le logiciel principal pilotant la machine.
YB : 5) Une plate-forme universelle n’est-elle pas plus coûteuse, et plus difficile à déployer qu’un logiciel dédiéà un moyen de mesure ?
BL : L’universalité est surtout plus onéreuse à maintenir dans le temps : si un utilisateur s’équipe d’une même marque de système de palpage avec différentes générations au fil des années, l’éditeur du logiciel devra développer des versions capables d’en supporter les évolutions techniques. En multipliant ces développements par le nombre de fabricants de systèmes de mesure, on s’aperçoit vite de l’effort requis pour faire évoluer les fonctionnalités du logiciel tout en supportant des dizaines voire centaines de configurations matérielles à terme, sans parler des contraintes techniques imposées par l’évolution de l’informatique et système d’exploitation associé.
YB : 8) Que proposent ces logiciels audelà du pilotage des machines, de la collecte des résultats et de la réalisation de rapports ?
BL : Les logiciels de mesure 3D permettent, via des options, la collecte et le partage de données en réseau, ou pour les MMT à commande numérique, la programmation automatique en fonction des données CAO et de la configuration machine.
YB : 9) Quelles sont les principales évolutions offertes ces dernières années par ces logiciels ?
BL : La réalisation automatique de la gamme de mesure depuis des données factuelles selon des règles fixées par l’utilisateur permet de s’affranchir de toute erreur ou omission humaines. Le programmeur de MMT à commande numérique verra son travail évoluer en amont,
en spécifiant les règles de mesure et les spécifications de tolérance sur le modèle CAO qui seront prises en compte pour générer automatiquement le programme de mesure.
YB : 10) Comment ces solutions logicielles s’inscrivent dans le concept de l’industrie 4.0 ?
BL : La bonne utilisation des moyens de mesure passe par leur surveillance en temps réel : le monitoring de moyens de mesure permettra entre autres de visualiser immédiatement et à distance un système à l’arrêt, en erreur, ou en fonctionnement, et d’améliorer ainsi leur rendement en leur associant des moyens de chargement/déchargement automatisés, ainsi qu’un post-traitement automatique des pièces mesurées en fonction des résultats : décision de rebut, de retouche, d’appairage, etc.
Contrôle Essais Mesures N°63 - Mai 2018